L’Hottonie des marais, une plante qui aime l’eau

L’Hottonie des marais est  une plante qui vit dans les eaux stagnantes. Elle est fixée dans la vase et ses feuilles, en lanières étroites, sont submergées. Elle fleurit de mai à juillet.

Elle est malheureusement en régression dans nos régions par suite de la disparition progressive de son habitat.


JP Roos a à nouveau découvert bien vite quelle plante figurait sur la photo qui vous était présentée dans la dernière devinette. Il s’agissait en effet de l’Hottonie des marais (Hottonia palustris).

L’Hottonie des marais

Nous l’avons photographiée dans une mare se trouvant dans un petit bois de la commune de Kampenhout, dans le Brabant flamand, au nord-est de l’aéroport de Bruxelles.


Le bois s’appelle le Hellebos. Ce n’est pas un bois maudit malgré ce que son nom laisserait supposer (hel signifiant enfer en néerlandais). Il voisine un champ appelé Lelleveld, le petit champ (« litle veld » en ancien néerlandais) 1, et lelle serait devenu helle.

Il fait partie d’un chapelet de plusieurs réserves naturelles orientées du sud-est au nord-ouest, dont  le Silsombos et le Torfbroek, qui sont bien connues des naturalistes belges. Ces réserves riches en zones humides sont les restes de l’ancien lit d’une rivière qui débouchait jadis dans la Senne 2.


Habitat

L’Hottonie des marais est une plante hydrophyte : elle est presque toujours immergée (à l’exception des fleurs et des plantules – voir sa reproduction ci-dessous). Elle pousse dans la vase des eaux calmes et peu profondes : étangs, mares, fossés assez larges etc.

Hottonies dans une mare

Des eaux peu profondes sont des eaux qui se réchauffent plus et plus vite, mais qui peuvent également se trouver temporairement à sec.

 Mare, étang ou lac ?

Disons d’abord qu’il n’y a pas de critère officiel pour distinguer ces différentes étendues d’eau.

Les naturalistes considèrent toutefois que les mares et les étangs sont suffisamment peu profonds pour que la lumière du soleil pénètre jusqu’au fond (profondeur maximale : environ 2 mètres, parfois un peu plus). Il n’y a par conséquent qu’une seule couche d’eau homogène ayant une température assez uniforme, de la surface jusqu’au fond. Dès 2 mètres de profondeur, on constate une stratification thermique 5.

Généralement on parlera d’un étang lorsque le plan d’eau est alimenté par un cours d’eau et possède un exutoire 6.

L’étang du Parc des Sources (Vallée de la Woluwe à l’est de Bruxelles) est alimenté par un ruisseau

Une mare recueille généralement l’eau des pluies. Elle est donc souvent située sur un terrain imperméable empêchant l’infiltration de l’eau dans le sol. Elle peut parfois être créée par la remontée d’une nappe phréatique, ou encore par le débordement d’une rivière.

Une mare dans le Hellebos (Kampenhout, Brabant flamand)

Un lac est nettement plus profond, et la lumière ne pénètre que les premiers mètres. Il présente ainsi plusieurs strates car la température de l’eau diminue rapidement entre la surface et le fond. En outre, il n’y a que peu de brassage : l’eau des premiers mètres ne se mélange pas aux eaux plus profondes.


L’Hottonie des marais se raréfie par suite de la disparition de son habitat (drainage des zones humides) ou de l’eutrophisation de ceux-ci.

L’eutrophisation est l’accumulation de nutriments dans le milieu :  on parle ici essentiellement de l’azote et du phosphore (qui proviennent surtout des nitrates et des phosphates – utilisés par l’agriculture – et des eaux usées).

Cet excès de nutriments conduit au sur-développement d’espèces spécifiques, celles qui aiment les milieux riches. Un exemple typique est la petite lentille d’eau (Lemna minor). Ces plantes prennent alors la place de celles qui croissent dans les milieux plus pauvres, ce qui affecte négativement la biodiversité.

Lemna minor (Botanical Gardens of Charles University, Prague) – © Karelj via Wikimedia Commons

Une autre conséquence de l’eutrophisation des milieux aquatiques est l’anoxie (la disparition de l’oxygène dissous dans l’eau).
Dans les eaux eutrophisées, certaines espèces  végétales (algues microscopiques, lentilles…) prolifèrent donc de manière démesurée.  Quand elles meurent leur décomposition va consommer tout l’oxygène présent dans l’eau. Cette anoxie provoque alors la mort de tous les poissons et invertébrés du milieu.


En Belgique, l’Hottonie est encore assez commune dans le nord du pays, mais par contre très rare en Wallonie comme le montre la carte ci-dessous. Elle se trouve d’ailleurs sur la liste rouge des plantes protégées et menacées de Wallonie avec le statut 3 (vulnérable).

Observations validées en Belgique (2012-2017). Source : Observations.be

L’Hottonie n’est pourtant pas très exigeante : elle accepte des eaux acides ou basiques 3, sur des sols moyennement pauvres à assez riches en substances nutritives (c’est une plante mésotrophile à eutrophile) 4.
En outre, elle supporte bien le gel et une sécheresse temporaire 8.


Description 

L’Hottonie fleurit d’avril à juin. Ses fleurs sont blanches ou rosées. Elles sont disposées en verticilles (en étages) tout autour de la hampe florale.

Les fleurs à gorge jaune sont disposées en verticilles autour de la hampe florale

La corolle, d’un diamètre de 20 à 25 mm, est composée de 5 pétales émarginés (dont le sommet est légèrement échancré), qui entourent une gorge jaune.

Les pétales sont souvent rosâtres

Les feuilles sont submergées et découpées en lanières étroites.
Beaucoup de plantes aquatiques ont adopté cette forme foliaire : avoir des feuilles très minces et très découpées permet de maximiser la surface de contact avec l’eau, ce qui favorise l’extraction des éléments nutritifs 7.

Les feuilles sont découpées en lanières


Les voisins de mare 

Dans la mare où nous l’avons photographiée, l’Hottonie a comme voisine la Renoncule scélérate (Ranunculus sceleratus), une plante de la famille des Renonculacées qui a besoin de beaucoup d’eau pour son développement (elle est dite hygrophile).  mais qui ne vit pas obligatoirement les pieds dans l’eau. On peut aussi la trouver sur les berges qui sont inondées périodiquement.

Renoncule scélérate

Cette plante assez commune se reconnaît aisément : après la floraison le réceptacle de la fleur s’allonge et portera à terme de nombreux fruits (des akènes).

La Renoncule scélérate se reconnaît facilement grâce aux réceptacles qui grossissent après la floraison

Comme beaucoup de renoncules, elle contient de la ranunculine, une molécule qui provoque par contact des inflammations de la peau. Jadis les mendiants l’utilisaient pour se frictionner et ulcérer ainsi leurs bras et jambes afin d’inspirer la pitié.


L’Hottonie a dans cette mare un voisin beaucoup plus rare, le Potamot coloré (Potamogeton coloratus). Ses feuilles submergées sont translucides, de forme ovale ou elliptique.

Les feuilles du Potamot coloré

Cette plante pousse dans les eaux calcaires; elle porte d’ailleurs également le nom de Potamot des tourbières alcalines. On ne la trouve que le long de la côte, en Campine et en Brabant.

Observations de Potamogeton coloratus en Belgique (2012-2017)


Reproduction 

Les fleurs de l’Hottonie sont normalement pollinisées par les insectes, mais la plante peut aussi se reproduire par autopollinisation dans des fleurs qui ne s’ouvrent pas ( c’est la cléistogamie, du grec ancien kleistos, fermé, et gamos, mariage) 11.

Les violettes pratiquent couramment la cléistogamie (lors d’une floraison automnale)

Après la fécondation, l’Hottonie produit un grand nombre de graines. Celles-ci ont besoin d’oxygène pour germer (environnement aérobie). Elles préféreront par conséquent un sol humide plutôt qu’une immersion totale dans l’eau. C’est pour cette raison que ces plantes poussent plus volontiers dans les endroits qui s’assèchent de temps en temps.

L’Hottonie se reproduit plus aisément dans une zone qui s’assèche de temps en temps

En cas d’immersion, les plantules s’élèvent jusqu’à la surface et peuvent y flotter pendant quelques semaines. Mais ensuite, la poursuite de leur développement rend nécessaire le contact avec le sol 8.


L’Hottonie et les fleurs de Bach 

Les fleurs entrent dans la fabrication de certains élixirs floraux du Dr Bach

Le Dr Edward Bach (1886-1936) était un médecin anglais qui mena des recherches sur l’usage des fleurs. Il élabora notamment des élixirs floraux destinés à rétablir l’équilibre émotionnel des personnes.

L’un de ces élixirs est fabriqué à partir de l’Hottonie des marais et permettrait de devenir plus humble et de se montrer plus tolérant vis à vis des autres.

Mais les essais cliniques de ces remèdes n’ont pas montré d’effet au-delà de l’effet placebo 9.

Quoi qu’il en soit, rappelons qu’elle se raréfie à l’état sauvage, et qu’elle est même protégée dans plusieurs régions d’Europe occidentale 10. Laissons-la vivre!


Classification

L’Hottonie des marais fait partie de la famille des Primulacées, qui compte environ 2.800 espèces.

Le genre le plus peuplé dans cette famille est bien sûr le genre Primula, celui des primevères (au moins 500 espèces). A vous de juger s’il y a un air de famille entre les Hottonies et les Primevères!

Primevères élevées dans la vallée de la Lasne

Un autre genre de Primulacées bien représenté chez nous est le genre des Lysimaques (Lysimachia) qui comprend entre autres le mouron rouge (Lysimachia arvensis).

Mouron rouge le long du Boulevard de la Woluwe (Bruxelles)

Le genre Hottonia a été dédié à Pierre Hotton (1648-1709), professeur de botanique à l’université de Leyde.
Il ne comprend que deux espèces : outre l’Hottonie des marais qui habite en Europe et en Asie occidentale, on trouve Hottonia inflata dans le sud-est des Etats-Unis.


Haut de la page

Sources :

1 : Stefan Vandevenne; Hellebos – Rotbos; Natuurpunt Kampenhout
2 : Wikipedia; Hellebos; Octobre 2016
3 : Marcel Bournérias,Gérard Arnal,Christian Bock; Guide des groupements végétaux de la région parisienne; pp. 173-179; Belin; Décembre 2001
4 : Tela Botanica; Hottonia palustris; 2016
5 : Wikipedia; Etang; Avril 2017
6 : Wikipedia; Mare; Mai 2017
7 : S. Carbonnelle et B. Clesse; Les plantes aquatiques; L’Erable; Cercles des Naturalistes de Belgique; 3è trimestre 2012
8 : Theo C.M. Brock, Hanneke Mielo, Gerard Oostermeijer; On the life cycle and germination of Hottonia Palustris L. in a wetland forest; Aquatic Botany, Volume 35, Issue 2, pp. 153-166; Octobre 1989
9 : Wikipedia; Élixirs floraux de Bach; Mai 2017
10 : pour la France voir la liste de ces régions sur le site de Tela Botanica
11 : Wikipedia; Hottonia palustris; Mai 2017

 

 

A propos La gazette des plantes

La gazette des plantes, un blog qui part à la découverte des végétaux qui nous entourent en Belgique
Cet article, publié dans 05 En Mai, Les plantes à l'affiche, est tagué , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

2 commentaires pour L’Hottonie des marais, une plante qui aime l’eau

  1. Gene dit :

    En ce qui concerne l’eutrophisation: ce qui est important de savoir c’est que cet excès de nutriments conduit au sur-développement d’espèces spécifiques, celles qui aiment les milieux riches (au détriment de celles qui croissent dans les milieux plus pauvres), affectant négativement la biodiversité.
    Une autre conséquence de l’eutrophisation des milieux aquatiques est l’anoxie (la diminution de l’oxygène dissous dans l’eau), ce qui entraîne la mort de la faune aquatique… Et le retour à l’équilibre est parfois long…

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.